
"Quand tu étais sous le figuier, je t'ai vu"
Jean 1, 43-51
S’il y a, dans toutes les Ecritures, un passage difficile à déchiffrer, c’est bien celui-là. Je crois que personne n’y est véritablement arrivé et je reste très prudent sur l’interprétation que je vais tenter d’en donner. Mais je la crois plus plausible que toutes celles que j’ai lues ou entendues jusqu’à présent. Je constate que ce passage de l’Evangile de Jean est suffisamment bizarre pour que je n’aie jamais entendu un prédicateur se risquer à l’expliquer, alors qu’il est assez souvent proposé dans le cycle liturgique. Donc restons prudents. Si contradiction est apporté à cet essai herméneutique, je l’accepterai volontiers.
Je redonne cette séquence dans son intégralité, avec ma traduction :
Τῇ ἐπαύριον ἠθέλησεν ἐξελθεῖν εἰς τὴν Γαλιλαίαν, καὶ εὑρίσκει Φίλιππον, καὶ λέγει αὐτῷ ὁ Ἰησοῦς, Ἀκολούθει μοι.
Ἦν δὲ ὁ Φίλιππος ἀπὸ Βηθσαϊδά, ἐκ τῆς πόλεως Ἀνδρέου καὶ Πέτρου.
Εὑρίσκει Φίλιππος τὸν Ναθαναήλ, καὶ λέγει αὐτῷ, Ὃν ἔγραψεν Μωσῆς ἐν τῷ νόμῳ καὶ οἱ προφῆται εὑρήκαμεν, Ἰησοῦν τὸν υἱὸν τοῦ Ἰωσὴφ τὸν ἀπὸ Ναζαρέτ.
Καὶ εἶπεν αὐτῷ Ναθαναήλ, Ἐκ Ναζαρὲτ δύναταί τι ἀγαθὸν εἶναι; Λέγει αὐτῷ Φίλιππος, Ἔρχου καὶ ἴδε.
Εἶδεν ὁ Ἰησοῦς τὸν Ναθαναὴλ ἐρχόμενον πρὸς αὐτόν, καὶ λέγει περὶ αὐτοῦ, Ἴδε ἀληθῶς Ἰσραηλίτης, ἐν ᾧ δόλος οὐκ ἔστιν.
Λέγει αὐτῷ Ναθαναήλ, Πόθεν με γινώσκεις; Ἀπεκρίθη Ἰησοῦς καὶ εἶπεν αὐτῷ, Πρὸ τοῦ σε Φίλιππον φωνῆσαι, ὄντα ὑπὸ τὴν συκῆν, εἶδόν σε.
Ἀπεκρίθη Ναθαναήλ καὶ λέγει αὐτῷ, Ῥαββί, σὺ εἶ ὁ υἱὸς τοῦ θεοῦ, σὺ εἶ ὁ βασιλεὺς τοῦ Ἰσραήλ.
Ἀπεκρίθη Ἰησοῦς καὶ εἶπεν αὐτῷ, Ὅτι εἶπόν σοι, Εἶδόν σε ὑποκάτω τῆς συκῆς, πιστεύεις; Μείζω τούτων ὄψει.
Καὶ λέγει αὐτῷ, Ἀμὴν ἀμὴν λέγω ὑμῖν, ἀπ’ἄρτι ὄψεσθε τὸν οὐρανὸν ἀνεῳγότα, καὶ τοὺς ἀγγέλους τοῦ θεοῦ ἀναβαίνοντας καὶ καταβαίνοντας ἐπὶ τὸν υἱὸν τοῦ ἀνθρώπου.
Le lendemain, Jésus résolut de partir pour la Galilée ; il trouve Philippe et il lui dit : « Suis-moi » (le verbe « akolouthein », qui a donné le mot « acolyte », signifie : « accompagner comme aide ». Donc on pourrait traduire par : « accompagne-moi »)
(Or) Philippe était de Bethsaïde, de la cité d’André et de Pierre.
Philippe trouve Nathanaël et lui dit : « Celui que Moïse a décrit dans la Loi ainsi que les Prophètes, nous l’avons trouvé : c’est Jésus, le fils de Joseph, de Nazareth. »
Et Nathanaël lui dit : « De Nazareth que peut-il y avoir de bon ? » Philippe lui dit : « Viens et vois. »
Jésus vit Nathanaël venir à lui et il dit à son sujet : « Voilà vraiment un Israëlite, en qui il n’y a pas de fraude ! »
Nathanaël lui dit : « D’où as-tu appris à me connaître ? » (le verbe « gignoskein » ne signifie pas connaître, mais apprendre à connaître. Si Nathanaël avait voulu dire : « d’où me connais-tu ? », il aurait employé le parfait : egonas, voire l’aoriste : égnôs.)
Jésus répondit et lui dit : « avant que Philippe ne t’appelle, quand tu étais sous le figuier je t’ai vu. »
Nathanaël répondit et lui dit : « Rabbi, c’est toi le fils de Dieu, c’est toi le roi d’Israël »
Jésus répondit et lui dit : « Parce que je t’ai dit : « je t’ai vu dessous le figuier » tu crois. Tu verras plus grand que ces choses-là ! »
Et il lui dit : « Amen, amen, je vous le dis : désormais vous verrez le ciel ouvert et les anges de Dieu monter et descendre jusqu’au Fils de l’Homme. » (« épi » + accusatif : non pas « au-dessus » mais bien « en direction de »)
Le dialogue paraît absurde à première lecture :
- On ne comprend pas pourquoi le fait que Jésus ait aperçu Nathanaël sous son figuier à son insu stupéfie Nathanaël au point de le retourner complètement. Jésus l’a remarqué avant que Philippe ne lui parle de lui ? Et alors ?
- On ne comprend pas que Jésus se permette d’apprécier de prime abord la personnalité de Nathanaël avant même de lui avoir parlé.
- Le dialogue paraît décousu. Quel est le lien entre le début (« Voilà vraiment un Israëlite… »), le milieu (« Avant que Philippe ne t’appelle, je t’ai vu…) et la fin : (« vous verrez les anges de Dieu… »)
- Pourquoi cette mention répétée au figuier ? Est-ce un simple détail pittoresque ? Dans un évangile qui ne laisse rien au gratuit, on ne comprend pas cette fantaisie bucolique.
- On peut considérer que c'est un passage humoristique jouant de l'insignifiance du signe donné à Nathanaël dont s'amuse Jésus. Ce n'est pas complètement à exclure, car Jean ne dédaigne pas l'humour et l'ironie. Mais c'est peu vraisemblable.
Une lecture approfondie de ce passage révèle au contraire une grande cohérence, une grande densité et une grande profondeur dans ce récit.
Un épisode situé précisément dans l'évangile de Jean
- On n’entreprendra pas ici un long développement sur le plan de l’Evangile de Jean. Mais on notera d’emblée que la confession de Nathanaël au début de l’évangile et celle de Thomas (« Mon Seigneur et mon Dieu ! ») à la fin sont en miroir l’une de l’autre.
- Elles sont situées l’une à la fin du chapitre 1, l’autre à la fin du chapitre 20, lui-même suivi du chapitre 21 relatant l’apparition au bord du Lac de Tibériade, laquelle apparaît comme le symétrique de la prédication de Jean.
- L’une prélude aux noces de Cana où « Jésus manifesta sa gloire » par le premier signe, l’autre conclut le récit de la semaine pascale où Jésus se manifeste dans sa gloire de ressuscité.
- L’une et l’autre suivent une déclaration d’incroyance : « de Nazareth que peut-il y avoir de bon ? » ; « si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous… je ne croirai pas. »
- L’une et l’autre évoquent une illumination de l’esprit incrédule par la foi et témoignent de la stupeur émerveillée des disciples découvrant la gloire du Christ.
- L’une et l’autre résultent d’une vision qui confond l’incroyance.
Ce sont comme deux piliers sur lesquels se construit toute la profession de foi dont l’évangile se porte témoin.
- L’épisode de la rencontre de Jésus et de Nathanaël se situe au 4ème jour de ce qu’on appelle la Semaine Inaugurale, donc en son milieu. Cette semaine inaugurale fait écho à la Semaine Sainte. Rappelons-en le déroulement :
- Jour 1 : Jean-Baptiste témoigne devant la commission d’enquête dépêchée par le Temple et annonce la venue du Christ.
- Jour 2 : Jean-Baptiste rend témoignage à Jésus comme l’Agneau de Dieu
- Jour 3 : Jésus rencontre ses premiers disciples
- Jour 4 : Jésus appelle Philippe et rencontre Nathanaël
- Jour 5-6 : rien (shabbat ?)
- Jour 7 : noces de Cana : premier signe de la gloire de Jésus, d’une série de sept. Un dimanche, comme la résurrection !
La confession de Nathanaël tient donc une place centrale dans le témoignage donné à Jésus avant qu’il inaugure la royauté dont elle est une reconnaissance.
- La rencontre avec Nathanaël a lieu le jour où Jésus constitue son premier groupe de disciples galiléens: Jean (qui ne se nomme pas, mais qui est témoin direct), André, Simon, Philippe, ces trois derniers de Bethsaïde. Il annonce son départ pour la Galilée. Vient s’ajouter à ce groupe, au terme de ce dialogue, lumineux et obscur tout à la fois, Nathanaël, dont nous apprenons, au chapitre 21 de l’évangile qu’il est de Cana. Il fait bien parti du club des disciples fondateurs galiléens de « l’école rabbinique » de Jésus.
Nathanaël
- Cette Galilée de l’intérieur et du bord occidental du Lac de Tibériade a été repeuplée de Juifs après le retour de captivité de Babylonie, lesquels ont rejudaïsé, ou judaïsé les populations locales qui avaient perdu la trace d’Israël. Selon Etienne Nodet, ce repeuplement juif est intervenu à une date assez récente, au 2ème siècle avant notre ère, bien après le retour des premiers déportés en Judée. Il est alimenté par un mouvement de colonisation depuis la Judée, après la guerre de libération des Maccabées, et surtout par l’arrivée de migrants juifs de Babylonie, avant qu’Hérode n’incite à nouveau des Juifs de Babylonie à une ultime colonisation sur la rive orientale du Lac. Judéens ou Babyloniens, ils s’installent dans les territoires de 4 anciennes tribus qui constituaient avec 6 autres le Royaume d’Israël et qui ont été balayées sans retour par la conquête et la déportation assyrienne ou se sont dissoutes dans le paganisme des vainqueurs. Ils sont marqués par la tradition juive issue de Babylonie à laquelle les Pharisiens doivent beaucoup, notamment leur attachement à la « Torah orale ». Ils ressemblent un peu à ces colons d’aujourd’hui des territoires occupés : après des siècles de déshérence et de désertification, ils veulent reprendre possession de l’eretz Israël en marge de son épicentre judéen. Ils ont appris à protéger leurs communautés en terre païenne. Ils ont gardé la culture des communautés menacées qu’ils ont transférée dans leurs campagnes. Car les centres urbains de Galilée, Sepphoris, Tibériade, ne sont pas leur monde tant ils sont romanisés. Jésus n’y va jamais, car ce n’est pas là que se trouvent les « brebis perdues de la maison d’Israël ». Ces Juifs de Galilée sont regardés avec méfiance et avec condescendance à Jérusalem car leur assiduité aux pèlerinages est médiocre et ils sont particulièrement travaillés par des mouvements messianiques révolutionnaires : la révolte de Judas le Galiléen (Ac 5, 37) en témoigne, au moment du premier recensement, l’écrasement des révoltés galiléens par Pilate en est un autre signe (Lc 13,2), le « brigandage » des zélotes y sévit. On ne s’en étonne pas : les zélotes sont des pharisiens passés à lutte révolutionnaire contre la domination gréco-romaine et s’en prennent aux collaborateurs. En bref vive est la conscience des Juifs de Galilée d’être appelés à être de ce « petit reste d’Israël » qui purifiera Jérusalem de ses compromissions, relèvera le royaume de David, renouvellera l’alliance sainte et étendra la gloire d’Israël au milieu de nations qui lui feront allégeance. On ne s’étonnera pas que les premiers disciples de Jésus soient galiléens comme lui, entrés dans le mouvement de Jean Baptiste comme lui, et attentifs aux signes des temps messianiques. Nathanaël paraît un parfait représentant de ce judaïsme galiléen.
- Cana est situé à 6 kilomètres de Nazareth. Nathanaël est donc quasiment du même pays que Jésus. La moquerie de Nathanaël est amusante : « de Nazareth que peut-il y avoir de bon ? ». On a un peu l’impression que c’est l’hôpital qui se moque de la charité. Cana est à peine plus gros que Nazareth et à peine moins un « trou paumé ». Est-ce une petite rivalité de village comme on en connaît dans nos campagnes qui s’exprime ici ? Plus vraisemblablement Nathanaël est un juif pieux et il connaît la Torah et les prophètes, sans doute mieux que Philippe. Il sait que le Messie ne vient pas de Nazareth. Il est normal qu’il soit plus que circonspect et que Philippe renonce à entrer en discussion avec lui : « Viens et vois ».
- Je me suis posé la question : Jésus voulait-il se rendre à Cana dans son voyage en Galilée avant de rencontrer Nathanaël ? On ne décide pas de se rendre à une noce trois jours avant, si tant est que les événements se sont bien déroulés sur une semaine, ce que l’on peut toujours attribuer à un artifice de mise en forme à forte charge symbolique. J’ai tendance à penser que Jean n’invente pas une chronologie fictive. Ses récits ont une charge symbolique, mais, chez lui particulièrement, le symbole émane des faits et non le contraire. Or c’est un curieux hasard de se trouver rejoint par un habitant de ce petit village de Galilée au moment où l’on va s’y rendre. Je suis également étonné que Nathanaël, de toute évidence, ne connaisse pas Jésus. Ages voisins, villages voisins dans une campagne à faible densité de population : ne se sont-ils jamais croisés ? On pourrait penser que Jésus s’est fait inviter en « guest star » à la noce par Nathanaël, qui y aurait été un participant de marque. Mais Marie est invitée de son côté, ce qui serait un hasard de plus. Donc Jésus devait se rendre à la noce à Cana avant d’appeler Nathanaël. Sans doute l’a-t-il appelé, par Philippe interposé, parce qu’il était de Cana ; peut-être même était-il invité et connaissait-il les mêmes gens que lui dans cette bourgade. On peut même imaginer – mais, soit, c’est pure imagination - qu’il l’avait déjà « vu sous le figuier », c’est-à-dire, en première lecture, tranquillement dans son champ ou son jardin : « habiter sous sa vigne et sous son figuier » est une expression biblique qui signifie « vivre en paix chez soi des fruits de son domaine. » Il est possible que Jésus ait effectivement remarqué Nathanaël sans que celui-ci le note, en passant par Cana, dans son jardin ou dans son champ. Mais ce serait anecdotique. Cela ne dirait pas pourquoi Jésus suscite la profession de foi de Nathanaël quand il le lui révèle : si Jésus s’est contenté de lui vouloir lui signifier, par cette mystérieuse réponse, qu’il a déjà vu le visage de son interlocuteur en passant près de chez lui à son insu, il n’y a pas de quoi tomber à la renverse ! Il faut donc encore fouiller le texte. Je n’exclus d’ailleurs pas que Nathanaël ait eu quelque connaissance de Jésus de Nazareth avant cette rencontre, comme Jésus de lui. Une lecture attentive du texte ne l’interdit pas. Ce qui est bouleversant pour Nathanaël, ce n’est pas que Jésus ait entendu parler de lui ou l’ait aperçu, mais qu’il le connaisse et le saisisse dans la profondeur de son être.
- Selon une tradition ancienne, Nathanaël est le Barthélémy des synoptiques, donc l’un des Douze. Des voix se sont élevées récemment pour dénoncer cette manie, à partir de la fin du IIème siècle jusqu’au Vème siècle, d’identifier des personnages qui apparaissent distincts dans les évangiles sans autre raison que de magnifier certaines figures : ainsi Jean de Zébédée et Jean l’Evangéliste, Marie de Magdala et Marie de Béthanie, les Sept que l’on inclut, Etienne en tête, dans la liste des Soixante-Douze (ou Septante) que Jésus envoie en mission chez Luc… Nathanaël et Barthélémy. Aucune raison sérieuse de les identifier, apparemment. Je ne parlerai que de ce dernier cas. J’avoue avoir adhéré à cette thèse d’une identification gratuite. Mais à y regarder de plus près, la tradition se trouve confortée. Bar Tolmaï, en araméen, signifie « fils de Tolmaï ». Les deux noms sont parfaitement compatibles. Philippe ne parle-t-il pas à Nathanaël de « Jésus fils de Joseph » (Yeshouah bar Yossef) ? La lecture de notre texte plaide fortement en faveur de la tradition qui identifie les deux personnages. Jésus appelle ses premiers disciples parmi les adeptes du baptiste. C’est le noyau initial des disciples, celui qui à pourra témoigner « depuis le baptême de Jean jusqu’au moment où il a été enlevé » (Ac 1,22). Ce sont les premières colonnes. Nathanaël est nécessairement l’un des Douze, et non un disciple de second rang, et sa profession de foi en Jésus « roi d’Israël » le range parmi les tout premiers disciples, et par sa précocité exceptionnelle, et par son autorité de « membre fondateur » parmi les disciples. Il est donc bien, selon toute vraisemblance, ce Barthélémy, le compagnon d’évangélisation de Philippe, dont parlent les synoptiques.
- Le caractère de Nathanaël transparaît, me semble-t-il, un peu dans ce passage. Il est comparé à mots à peine couverts à Jacob, dont il est un vrai fils, à un détail près. Il faut comprendre la première parole de Jésus non pas selon la traduction qui en est donnée dans les lectures liturgiques (« Voici vraiment un israélite : il n’y a pas de ruse en lui. » Ces deux points sont très malvenus). Il faut comprendre : voilà un authentique « ben Israël », fils d’Israël, fils de Jacob : c’est un digne descendant de Jacob, mais la rouerie en moins. Pourquoi ? on le verra. Rappelons le portrait qui se dégage de Jacob dans la Genèse « Esaü (l’aîné des jumeaux) devint un habile chasseur, courant la campagne, Jacob était un homme tranquille, demeurant sous les tentes. » (Gn 25,27). On fait le parallèle avec Nathanaël « sous le figuier », autre image de quiétude domestique. Nathanaël est sans doute un paisible : « Auprès de mon arbre, je vivais heureux… ». C’est, comme Jacob, un homme d’intérieur, et même un homme intérieur, avec ses combats cachés et ses joies contemplatives. Toutefois, à la différence de Jacob, Nathanaël, lui, ne triche pas. Il est franc et il ne cache pas ses sentiments. J’imagine Jésus notant ce trait avec une pointe d’humour, après avoir eu vent de la réponse moqueuse de son interlocuteur. Pour finir, j’aime bien me figurer Nathanaël comme un bon vivant, car la figue, dans la Bible, invite à la gourmandise. Un méditatif « pénard » sous son arbre, à déguster de bonnes figues… Il ne lui manque que la pipe et le bouquin. Mais soit, je vais sans doute un peu loin en imaginant ce portrait à partir du texte.
Je comprendrais donc très bien qu’on ne me suive pas dans cette reconstitution psychologique ! Le passage de toute façon appelle à un autre décryptage. On peut certes avoir ce niveau de lecture de la confession de Nathanaël : « Oh ! Tu as tellement bien cerné ma personnalité en peu de mots que tu es surement le Roi d’Israël ! » Pourquoi pas ? Mais on se doute bien que Jésus a percé bien autre chose de la personnalité de Nathanaël que son caractère et son état d’esprit. Cela ressemblerait trop à un transfert de la figure paternelle sur un psychanalyste. Le cœur de l’homme, c’est bien plus que sa psychologie. Poursuivons donc à un autre niveau de décryptage : celui des Ecritures.
Le petit reste de la maison de Jacob
- Les allusions directes à la figure de Jacob se trouvent
- Au début :
- « Voilà vraiment un israélite », un « ben Israël », c’est-à-dire de la maison de Jacob, à qui Dieu a donné le nom d’Israël (Gn 32, 28). On notera que c’est la seule fois, dans tout l’Evangile de Jean, que le mot « israélite » apparaît. Il n’a pas l’acception synonymique de « juif » qu’on lui donne aujourd’hui (pas plus au demeurant que le mot « juif » ne renvoie dans les évangiles au judaïsme rabbinique qui naît après la destruction du Temple. Ce sera l’objet d’une autre fiche). Israël est plus grand que Juda : c’est tout le peuple de l’Alliance des 12 tribus de Jacob, dont la tribu de Juda a gardé l’héritage qu’ont dilapidé les 10 tribus perdues de l’antique royaume d’Israël. Le peuple de l’Alliance, celui de la Torah et des prophètes, c’est Israël, c’est la descendance d’Abraham, Isaac et Jacob, c’est la maison de Jacob des psaumes.
- Mais il est « sans ruse » : la ruse, ou la rouerie, est caractéristique de Jacob. Il arnaque son frère jumeau qui est venu au jour juste avant lui, plus fort mais moins malin que lui, en lui extorquant son droit d’aînesse contre un plat de lentilles. Ensuite il profite de la cécité de son père Isaac pour lui voler la bénédiction qu’il prévoyait pour Esaü : il fait préparer un ragout de cheveau qu’il fait passer pour un ragout de gibier, dont Isaac raffole, il se fait des mitaines avec la peau de la bête pour se faire aussi velu que son frère et pour sentir le bouc comme lui. Il propose un marché de dupe à son beau-père Laban au moment de quitter son service et se réserve les meilleures bêtes de son troupeau, et il devient très riche. Ses fils Siméon et Lévi l’imitent : ils usent de duplicité pour venger le viol de leur sœur Dinah et massacrer, contre l’engagement de Jacob, Hamor, son fils coupable et tous les mâles du clan.
- A la fin Jésus se réfère au songe de Jacob (Gn 28, 12) : « Il eut un songe. Voilà qu’une échelle était dressée sur la terre et que son sommet atteignait le ciel, et des anges de Dieu y montaient et descendaient. Voilà que YHWH se tenait devant lui et dit… » suit le renouvellement de la promesse faite à Abraham et à Isaac d’une descendance « nombreuse comme la poussière du sol » qui couvrira l’univers et dans lesquels tous « les clans de la surface de la terre ». Jésus annonce les cieux ouverts et les anges montant et descendant « jusqu’au Fils de l’Homme » (qui est donc en haut et en bas !). La vision de Jacob sera celle des disciples, mais l’échelle, qui n’apparaît pas, aura le Fils de l’Homme à ses extrémités. Jésus annonce l’accomplissement en sa personne de la promesse faite à Jacob. Et cette parole est adressée à Nathanaël, pas à l’ensemble des disciples présents, comme conclusion de leur dialogue.
- Au milieu, la confession de Nathanaël évoque le « roi d’Israël » qui est une allusion plus indirecte à Jacob. « Israël » vient en résonnance avec le « fils d’Israël » mais la formule renvoie plus directement à David et à Salomon. Mais le « roi de Jacob » (Is 41, 21), le Saint d’Israël (41, 16), le Roi (Za 16-17) c’est aussi Dieu Lui-même. Ce titre de Roi d’Israël n’apparaît nulle part ailleurs dans les écrits johanniques.
- Au début :
- Revenons sur le début. Que signifie cette quasi-salutation au « fils d’Israël sans rouerie » ? C’est une façon pour Jésus de saluer en Nathanaël le parfait représentant du « reste de Jacob » ou du « reste d’Israël ».
- Le terme δόλος (dolos) employé ici se retrouve dans la Bible grecque des Septante. En grec classique, il désigne le leurre, l’appât, et par voie de conséquence la tromperie et la supercherie. La traduction la plus exacte, quoique triviale, serait « arnaque ». On le lit notamment
- Dans la Genèse (27, 35) Issac dit à Esaü : « Ton frère est venu et a pris par fraude ta bénédiction »
- Dans les psaumes (36, 4 ; 55, 12), et, en plus forte résonance avec notre passage dans le psaume 32, 2 : « Heureux l’homme à qui le Seigneur YHWH ne compte pas sa faute, et qui n’a pas la fraude à la bouche. » (version grecque). Jésus applique implicitement cette béatitude à Nathanaël.
- Au livre des Proverbes (12, 20) : « Fraude pour le cœur qui échafaude des méchancetés, mais ceux qui sont résolus à la paix se réjouiront. » (idem)
- En Isaïe (53, 9) à propos du Serviteur Souffrant : « Je lui donnerai les mauvais comme compagnons de sépulcre et les riches comme compagnons de mort ; alors qu’il n’a pas commis l’iniquité et qu’on n’a pas trouvé de fraude dans sa bouche. » (idem)
- Il est clair que, dans toute la Bible, ce terme, qui traduit l’hébreu « mirmah» (מִרְמָה), est fort péjoratif. La fraude de Jacob n’est pas regardée avec indulgence du tout : ses « bons coups » sont en fait des mauvais coups. Au livre d’Osée, on lit ce réquisitoire contre les tribus de Juda et d’Ephraim, du Royaume de Juda donc, perverties par la fraude : « YHWH est en procès avec Juda, il va sévir contre Jacob selon sa conduite et lui rendre selon ses actions. Dès le sein maternel il supplanta son frère, dans sa vigueur il fut fort contre Dieu. Il fut fort contre l’Ange et l’emporta, il pleura et l’implora… Jacob s’enfuit aux campagnes d’Aram, Israël servit pour une femme, pour une femme il garda les troupeaux » (Os 12, 3-5 ; 13). Pas brillant, l’élu de Dieu…
- La fraude est à entendre certes comme une faute morale personnelle mais c’est aussi un vice politique qui court parmi le peuple : le mot prend le sens d’intrigue, de « magouille », de combinaison dans le peuple, notamment dans les psaumes.
- Sans entrer trop dans le détail, cette ruse légendaire de Jacob n’est pas jugée avec indulgence ou amusement par les prophètes. Au contraire ils la considèrent comme une tare congénitale d’Israël. Et c’est de cette tare dont le « reste d’Israël » sera sauvé par Dieu qui rassemblera les éclopés en un petit reste humble et sans fraude, sans intrigue, sans « magouille »
- Il serait extrêmement long de citer tous les passages des livres prophétiques qui annoncent le relèvement, dans les cris de joie, de la maison de Jacob en son « reste » (שְׁאֵרִית יִשׂרָאֵל sherit Israël) qui a gardé fidélité au Seigneur et qui est racheté par Lui. Avant la chute du Royaume de Juda, il désigne le reste des 10 tribus du Royaume d’Israël (Is 10, 22). Pour les prophètes de l’exil en Babylonie, le Seigneur rassemblera son reste de toutes les nations dans lesquelles Il a dispersé la maison de Jacob et ils seront son peuple unique, Israël. Cette promesse est un thème récurrent dans toute la littérature prophétique, sous le nom de « reste d’Israël » ou « reste de Jacob » (cf Isaïe 10, 20 -21 ; 14, 1 ; 27, 6 ; 29, 22 ; 41, 14 ; 46, 3 etc… Jérémie 31, 7 ; 46, 27-28, 50, 20 etc.. ; Ezechiel 14, 22 ; 37 ; Michée 4, 7 ; 5, 3-8 ; 7-18 ; Sophonie 2, 9 ; 3 ; Zacharie 8, 11-12 ; 14, 2 ; et j’en passe…) avec des colorations différentes, et de plus en plus messianiques avec le temps.
- Le terme δόλος (dolos) employé ici se retrouve dans la Bible grecque des Septante. En grec classique, il désigne le leurre, l’appât, et par voie de conséquence la tromperie et la supercherie. La traduction la plus exacte, quoique triviale, serait « arnaque ». On le lit notamment
Je crois néanmoins utile de rappeler quelques passages qui sont en résonnance avec notre passage puisque l’on retrouve mêlé le thème du reste d’Israël avec d’autres que l’on retrouve ici : richesse botanique, roi d’Israël, absence de fraude, tranquillité du reste d’Israël (évoquée dans notre texte par le figuier), gloire promise au reste d’Israël. Le salut du petit peuple libéré des fraudes de ses pères est particulièrement à noter au chapitre 3 de Sophonie, car cette prophétie s’applique particulièrement à Nathanaël
Au livre des Nombres (24, 2-9), il n’est pas encore question du petit reste, mais de la gloire à venir du peuple misérable qui erre dans le désert. Le prophète païen Balaam est envoyé par Balaq pour prononcer quelque malédiction. Grand mal lui en prend. « Levant les yeux, Balaam vit Israël, établi par tribus ; l’esprit de Dieu vint sur lui et il prononça son poème. Il dit : « Oracle de Balaam, fils de Béor, oracle de l’homme au regard pénétrant, oracle de celui qui écoute les paroles de Dieu. Il voit ce que Shaddaï fa’t voir, il obtient la réponse divine et ses yeux s'ouvrent. Que tes tentes sont belles, Jacob ! et tes demeures, Israël ! Comme des vallées qui s’étendent, comme des jardins au bord d’un fleuve, comme des aloès que Yahvé a plantés, comme des cèdres auprès des eaux! Un héros grandit dans sa descendance, il domine sur des peuples nombreux. Son roi est plus grand qu’Agag, sa royauté s’élève. Dieu le fait sortir d’Egypte, il est pour lui comme des cornes de buffle. Il’dévore le cadavre ’e ses adversaires, il leur b’ise les os. Il s’est accroupi, il s’est couché, comme un lion, comme une lionne : qui le fera lever ? Béni soit qui te bénit, et maudit qui te maudit ! » Et sa prophétie reprend (17-19) : « Je le vois – mais non pour maintenant, je l’aperçois- mais non de près : Un astre issu de Jacob devient chef, un sceptre se lève, issu d’Israël. Il frappe les tempes de Moab et le crâne de tous les fils de Seth. Edom devient un pays conquis ; pays conquis, Séïr. Israël déploie sa puissance, Jacob domine sur ses ennemis et fait périr les rescapés d’Ar. »
Isaïe 10, 2021 : « Ce jour-là, le reste d’Israël et les survivants de la maison de Jacob cesseront de s’appuyer sur qui les frappe ; ils s’appuieront en vérité sur Yahvé, le Saint d’Israël. Un reste reviendra, le reste de Jacob, vers le Dieu fort. »
Isaïe 27, 6 : « A l’avenir Jacob s’enracinera, Israël bourgeonnera et fleurira, la face du monde se couvrira de récolte. »
Isaïe 41, 14 : « Ne crains pas, vermisseau de Jacob, et vous, pauvres gens d’Israël. C’est moi qui te viens en aide, oracle de Yahvé, celui qui te rachète, c’est le Saint d’Israël. » Puis 41, 19: « Je mettrai dans le désert le cèdre, l’acacia, le myrte et l’olivier, je placerai dans la steppe pêle-mêle le cyprès, le platane et le buis, »
Jéremie 31, 7-12 : Après les nombreuses imprécations très impopulaires et véhémentes contre la maison de Juda et ses « magouilles » de toutes sortes : « Car ainsi parle Yahvé : Criez de joie pour Jacob, acclamez la première des nations ! Faites-vous entendre ! louez ! Proclamez « Yahvé a sauvé son peuple, le reste d’Israël! ». Voici que moi je les ramène du pays du Nord, je les rassemble des extrémités du monde. Parmi eux l’aveugle et le boiteux, la femme enceinte et la femme qui enfante, tous ensemble : c’est une grande assemblée qui revient ici ! En larmes ils reviennent, dans les supplications je les ramène. Je vais les conduire aux cours d’eau, par un chemin tout droit où ils ne trébucheront pas. Car je suis’un père pour Israël et Ephraïm est mon premier-né. Nations, écoutez la parole de Yahvé ! Annoncez-la dans les îles lointaines ; dites « Celui qui dispersa Israël le rassemble, il le garde comme un pasteur son troupeau. » Car Yahvé a racheté Jacob, il l’a délivré de la main d’un plus fort. Ils viendront, criant de joie, sur la hauteur de Sion, ils afflueront vers les biens de Yahvé le blé, le vin et l’huile, les brebis et les bœufs ; ils seront comme un jardin bien arrosé, ils ne languiront plus. Alors la vierge prendra joie à la danse, et, ensemble, les jeunes et les vieux ; je changerai leur deuil en allégresse, je les consolerai, je les réjouirai après leurs peines. »
Amos 9, 8-9…14 : « Voici, les yeux du Seigneur Yahvé sont sur le royaume pécheur. Je vais l’exterminer de la surface du sol, toutefois je n’exterminerai pas complètement la maison de Jacob – oracle de Yahvé Car voici que je vais commander et je secouerai la maison d’Israël parmi toutes les nations, comme on secoue avec le crible, et pas un grain ne tombe à terre… Je rétablirai mon peuple Israël; ils rebâtiront les villes dévastées et les habiteront, ils planteront des vignes et en boiront le vin, ils cultiveront des jardins et en mangeront les fruits. »
Michée 2, 12-13 : « Oui, je veux rassembler Jacob tout entier, je veux réunir le reste d’Israël ! Je les regrouperai comme des moutons dans l’enclos ; comme un troupeau au milieu de son pâturage, ils feront du bruit loin des hommes. Celui qui fait la brèche devant eux montera ; ils feront la brèche, ils passeront la porte, ils sortiront par elle ; leur roi passera devant eux et Yahvé à leur tête. »
Michée 5, 6-7 « Alors, le reste de Jacob sera, au milieu des peuples nombreux, comme une rosée venant de Yahvé, comme des gouttes de pluie sur l’herbe, qui n’espère point en l’homme ni n’attend rien des humains.7Alors, le reste de Jacob sera, au milieu des peuples nombreux, comme un lion parmi les bêtes de la forêt, comme un lionceau parmi les troupeaux de moutons : chaque fois qu’il passe, il piétine, il déchire, et personne ne lui arrache sa proie. »
Ezechiel 37, 21-26 : le prophète annonce la réunion du reste d’Israël en une seule nation, un seul royaume, sous un seul chef, David, le Roi d’Israël : « Ainsi parle le Seigneur Yahvé. Voici que je vais prendre les Israélites parmi les nations où ils sont allés. Je vais les rassembler de tous côtés et les ramener sur leur sol.J’en ferai une seule nation dans le pays, dans les montagnes d’Israël, et un seul roi sera leur roi à eux tous ; ils ne formeront plus deux nations, ils ne seront plus divisés en deux royaumes. Ils ne se souilleront plus avec leurs ordures, leurs horreurs et tous leurs crimes. Je les sauverai des infidélités qu’ils ont commises et je les purifierai, ils seront mon peuple et je serai leur Dieu. Mon serviteur David régnera sur eux ; il n’y aura qu’un seul pasteur pour eux tous ; ils obéiront à mes coutumes, ils observeront mes lois et les mettront en pratique. Ils habiteront le pays que j’ai donné à mon serviteur Jacob, celui qu’ont habité vos pères. Ils l’habiteront, eux, leurs enfants et les enfants de leurs enfants, à jamais. David mon serviteur sera leur prince à jamais. Je conclurai avec eux une alliance de paix, ce sera avec eux une alliance éternelle. »
Enfin au livre de Sophonie, tout le chapitre 3 est à citer : « Malheur à la rebelle, la souillée, à la ville tyrannique ! Elle n’a pas écouté l’appel, elle n’a pas accepté la leçon ; à Yahvé elle ne s’est pas confiée, de son Dieu elle ne s’est pas approchée. Ses princes au milieu d’elle sont des lions rugissants ; ses juges, des loups de la steppe qui ne gardent rien pour le matin ; ses prophètes sont des vantards, des imposteurs ; ses prêtres profanent les choses saintes, ils violent la Loi. Au milieu d’elle, Yahvé est juste ; il ne commet rien d’inique; matin après matin, il promulgue son droit, à l’aube il ne fait pas défaut. (Mais l’inique ne connaît pas la honte). J’ai retranché les nations, leurs tours d’angle ont été détruites ; j’ai rendu leurs rues désertes : plus de passants ! leurs cités ont été saccagées : plus d’hommes, plus d’habitants ! Je disais : « Au moins tu me craindras, tu accepteras la leçon ; à ses yeux ne peuvent s’effacer tant de venues dont je l’ai visitée. » Mais non ! ils se sont hâtés de pervertir toutes leurs actions ! C’est pourquoi, attendez-moi – oracle de Yahvé – au jour où je me lèverai en accusateur ; car j’ai décrété de réunir les nations, de rassembler les royaumes, pour déverser sur vous ma fureur, toute l’ardeur de ma colère. (Car du feu de ma jalousie toute la terre sera dévorée.) Oui, je ferai alors aux peuples des lèvres pures, pour qu’ils puissent tous invoquer le nom de Yahvé et le servir sous un même joug. De l’autre rive des fleuves d’Ethiopie, mes suppliants m’apporteront mon offrande. Ce jour-là tu n’auras plus honte de tous les méfaits que tu as commis contre moi, car j’écarterai de ton sein tes orgueilleux triomphants ; et tu cesseras de te pavaner sur ma montagne sainte. Je ne laisserai subsister (en hébreu : rester) en ton sein qu’un peuple humble et modeste, et c’est dans le nom de Yahvé que cherchera refuge le reste d’Israël. Ils ne commettront plus d’iniquité, ils ne diront plus de mensonge ; on ne trouvera plus dans leur bouche de langue trompeuse. Mais ils pourront paître et se reposer sans que personne les inquiète. Pousse des cris de joie, fille de Sion ! une clameur d’allégresse, Israël ! Réjouis-toi, triomphe de tout ton cœur, fille de Jérusalem ! Yahvé a levé la sentence qui pesait sur toi ; il a détourné ton ennemi. Yahvé est roi d’Israël au milieu de toi. Tu n’as plus de malheur à craindre. Ce jour-là, on dira à Jérusalem : Sois sans crainte, Sion ! que tes mains ne défaillent pas ! Yahvé ton Dieu est au milieu de toi, héros sauveur ! Il exultera pour toi de joie, il te renouvellera par son amour ; il dansera pour toi avec des cris de joie, comme aux jours de fête. J’ai écarté de toi le malheur, pour que tu ne portes plus l’opprobre. Me voici à l’œuvre avec tous tes oppresseurs. En ce temps-là, je sauverai les éclopées, je rallierai les égarées, et je leur attirerai louange et renommée par toute la terre, quand j’accomplirai leur restauration. En ce temps-là, je vous guiderai, au temps où je vous rassemblerai ; alors je vous donnerai louange et renommée parmi tous les peuples de la terre, quand j’accomplirai votre restauration sous vos yeux, dit Yahvé. »
Le double dévoilement du Reste d’Israël et du Roi d’Israël
- Il faut bien lire de près la réponse que Jean met dans la bouche de Nathanaël à la remarque de Jésus : « D’où as-tu appris à me connaître ? » Non pas : « D’où me connais-tu ? » car cette réponse pourrait donner à penser que Nathanaël met Jésus à distance parce qu’il trouve sa remarque incongrue : « On se connaît ? Qu’est-ce qui te permet de dire cela ? ». Ce n’est pas le sens du texte. Jésus a visé juste et Nathanaël le reconnaît et en est surpris: « Tu as bien compris quelque chose de moi. »
- Plus précisément quel est ce « quelque chose » ? Développons : Oui, tu vois juste,
- je suis un fils d’Israël, dans l’attente du renouvellement de l’ancien Israël, je suis un juif qui revendique le titre d’israélite à ce titre.
- je ne suis pas un magouilleur politique: je ne suis ni un hérodien, qui voudrait que le Messie soit reconnu comme de la maison d’Hérode, ni un pharisien représenté au Sanhédrin, ni un zélote qui veut restaurer Israël par les armes. Je suis au contraire de ce petit peuple humble et modeste qui n’attend son salut que du Seigneur.
- mais rien de tout cela ne se lit pas sur mon visage. Comment cela se fait-il que tu le saches ? Où l’as-tu appris ? De qui le tiens-tu ?»
- On n’a pas suffisamment noté que la question de Nathanaël était aussi étrange que la remarque de Jésus. Car elle semble appeler une réponse évidente : « C’est Philippe qui m’a parlé de toi. » Il faut comprendre que Jésus, par sa remarque, est déjà entré dans l’intimité spirituelle de Nathanaël et a dévoilé un secret. L’espérance de Nathanaël d’un renouvellement prochain d’Israël est entretenue secrètement, soit de façon solitaire par l’étude et la méditation, soit dans le cadre d’une confrérie, une sorte de groupe d’étude et de recherche mishnique dans la mouvance de Jean Baptiste puisqu’il est l’un de ses disciples. Confrérie tenue soigneusement secrète parce qu’il ne fait pas bon, dans la Galilée de cette époque, de militer ouvertement pour la restauration d’Israël par un petit reste d’élus sous l’autorité de la maison de David. Cette deuxième hypothèse d’une appartenance à un « cercle d’étude biblique pour le nouvel Israël » me paraît plus plausible. C’est une hypothèse, qui n’est pas improbable, mais qui ne sera pas vérifiable, à moins que les manuscrits de Qumran ne nous révèle un jour quelque « Association des Chevaliers du Figuier ».
- Il s’agit donc de la première partie de dévoilement du secret de Nathanaël. La réponse de Jésus à la question : « d’où sais-tu cela ? » est sans ambiguïté, même si le sens paraît crypté. Il le sait de lui-même parce qu’il l’a vu en personne quand il était « sous le figuier ». Cette seconde partie du dévoilement du secret entraîne la confession de Nathanaël. Il faut sans doute moins l’interpréter comme un brutal retournement, une conversion brutale, à la Claudel ou à la Froissart, un « coup de foudre » inattendu mais comme une découverte ou une révélation lumineuse : « Ah ! Mais bien sûr ! C’est bien toi que j’attendais ! »
A la recherche du figuier
- On s’est beaucoup interrogé, et je n’ai pas failli à cet exercice, sur ce que pouvait bien signifier cette référence lumineuse pour Nathanaël, et bien obscure pour nous. Pour faire simple, deux thèses s’opposent, et une troisième propose une formule de compromis. Aucune interprétation ne paraît satisfaisante.
- Thèse 1: en référence au Talmud, le figuier, c’est la Torah et être sous le figuier, c’est étudier la Torah. Il est vrai que l’on trouve bien dans le Talmud quelques références au figuier comme figuration de la Torah, mais relativement peu et tardives et on trouve des mentions du figuier dans un autre contexte. Plus précisément voici ce qu’on trouve.
- A propos de Proverbes 27,18 (cf infra), on trouve ce commentaire, attribué à Rabbi Yohanan, dans le livre des Eruvin (« Miscellanea ») : « chaque fois qu’une personne cherche le figuier pour manger une figue, comme les figues ne mûrissent pas toutes en même temps, on peut toujours trouver une figue bien mûre sur l’arbre. Ainsi en va-t-il de la Torah. Chaque fois que l’on médite sur la Torah, on lui trouve une nouvelle signification. »
- Pour le rabbi Néhémya, le figuier était l’arbre de la connaissance du bien et du mal, parce que Dieu sauve l’homme par où il a péché. Eve et Adam ont mangé du fruit, Dieu leur confectionne leur premier vêtement avec les feuilles de l’arbre défendu.
- A propos d’Osée 9, 10 (« Comme des raisins dans le désert, je trouvai Israël, comme un fruit sur un figuier en la prime saison, je vis vos pères »), le figuier est regardé comme l’image même d’Israël (Bereshit Rabbah 1, 4). Ce texte, très tardif, n’ajoute pas au texte d’Osée.
- Au traité Berakhot (57a, 7), il est dit que qui rêve d’un figuier doit y voir le signe que la Torah réside en lui.
- Divers passages de Halakha condamnent la consommation des figues tombées à terre et évoquent la flagellation d’un homme, hors de toute légalité, pour avoir honoré sa femme sous un figuier.
- A aucun endroit je n’ai lu que le figuier était l’arbre par excellence sous lequel on étudiait et méditait la Torah, comme je l’ai lu dans certains commentaires.
- Thèse 2: Comme en fait rien dans les traditions les plus anciennes du Talmud, pas plus que dans la Bible, comme on le verra, n’autorise cette symbolique Torah-figuier, les commentaires les plus récents que j’ai lus (Adrien Candiard, mais aussi l’universitaire juif messianiste Eli Lizorkin-Eyzenberg) se rabattent sur la thèse suivante : ce qui est arrivé à Nathanaël sous son figuier et que Jésus a vu à distance est une affaire très personnelle qui restera à tout jamais un secret entre eux et le figuier n’est mentionné que comme point de repère. C’est d’ailleurs, dans la nouvelle Légende Dorée que nous propose la série Chosen, cette thèse sur laquelle le réalisateur brode. Mais cela ne correspond pas au style narratif de Jean : il sème son Evangile de détails énigmatiques (le figuier, rappelé deux fois ici, six cuves à Cana, la pèche de 153 poissons…) qu’il laisse au lecteur le soin d’interpréter. Chez Jean, aucun détail, absolument aucun, n’est gratuit et décoratif. Si l’arbre importait peu, il aurait parlé d’un arbre. Je ne peux pas croire que cette parole révélatrice (« je t’ai vu sous le figuier ») soit en rupture complète avec le reste du récit qui tourne autour d’Israël.
- Thèse 3 : c’est un mélange des deux. Jésus perce un secret de Nathanaël tandis qu’il est sous le figuier à méditer la Torah. Elle a l’inconvénient d’additionner des erreurs herméneutiques en pensant les annuler.
- Thèse 1: en référence au Talmud, le figuier, c’est la Torah et être sous le figuier, c’est étudier la Torah. Il est vrai que l’on trouve bien dans le Talmud quelques références au figuier comme figuration de la Torah, mais relativement peu et tardives et on trouve des mentions du figuier dans un autre contexte. Plus précisément voici ce qu’on trouve.
Il faut essayer de situer cette histoire de figuier dans la cohérence du récit.
- Il faut reconnaître que ce n’est pas facile, car la Bible n’est pas beaucoup plus diserte sur la symbolique du figuier que le Talmud. Toutefois, en rapport assez direct avec notre sujet (le reste d’Israël – le roi d’Israël), on trouve des citations parlantes, en dehors de l’expression convenue « sous son figuier et sous sa vigne » déjà évoquée :
- Au livre des Proverbes 27, 18 : « Le gardien du figuier mange de son fruit, qui veille sur son maître sera honoré ». Cette traduction, en générale retenue dans les différentes versions françaises, n’est pas très fidèle. Car ce qui est rendu par « maître » est le nom hébreu Adonaï (אֲדֹנָי) et en grec Kurios (κύριος), c’est-à-dire non pas « maître » mais « seigneur » et il ne s’agit pas de « veiller sur » mais de « garder » : « qui garde son seigneur sera honoré». Dans cette série de proverbes en diptyques, on trouve un certain nombre de rapprochements énigmatiques de ce genre. En l’occurrence, il n’est pas du tout interdit d’interpréter de façon plus littérale : qui préserve le figuier mangera de son fruit, et qui est le garde de son Seigneur sera honoré. » L’analogie est parlante : prendre soin de l’arbre permet d’en tirer du fruit, se tenir auprès de son Seigneur et le protéger permet d’en tirer de l’honneur devant Dieu. C’est le fruit du figuier dont l’excellence donne valeur à l’arbre et satisfaction au jardinier protecteur, c’est le Seigneur qui donne le fruit à Israël et l’honneur au juste protecteur d’Israël. »
- Le figuier est souvent associé à la vigne, notamment dans l’expression « être sous son figuier et sous sa vigne. » Mais si la vigne donne lieu à des développements allégoriques et paraboliques nombreux, le figuier n’y prête pas, sinon dans la fable du livre des Juges qu’on pourrait appeler, à la manière de La Fontaine : les arbres qui voulaient sacrer leur roi. Les arbres demandent à l’olivier, qui ne veut pas « trembler au dessus » des autres arbres et renoncer à la production d’huile. Ils demandent au figuier de régner sur eux et le figuier refuse, car il ne veut pas renoncer à « sa douceur et son fruit qui est bon » (hatovah en hébreu, agathon en grec). Enfin ils demandent à la vigne, qui ne veut pas renoncer à son jus qui réjouit les hommes et les dieux. Finalement, seul le buisson d’épines accepte de régner, mais en prévenant les arbres : s’ils ne sont pas loyaux, il prendra feu et dévorera jusqu’aux grands cèdres du Liban. Comme les autres arbres fruitiers, le figuier tire sa valeur de sa production : les figues, et, accessoirement, les feuilles de figuier.
- Ainsi la vigne et le figuier figurent alternativement et ensemble le peuple du Seigneur dont Il attend la justice et qui n’en produit pas: « Je suis décidé à en finir avec eux, déclare YHWH. Il n’y a pas de raisin sur la vigne, pas de figues sur le figuier, et les feuilles se sont flétries. Je les ai donnés à qui passera sur eux. » (Jérémie 8,13) Cf aussi Osée 2,14 ; Joël 1, 7-12 ; Habakuk 3,17 ; Aggée 2, 19. Inversement lorsque la vigne fleurit et qu’apparaissent les figues vertes, vient le temps des amours (Cantique des Cantiques 2, 13) c’est lors du « Jour du Seigneur », jour de terreur pour les nations, jour de joie pour les élus d’Israël, que la vigne et le figuier produiront leur fruit : « Ne craignez plus, bêtes des champs, les pacages du désert reverdissent, les arbres portent leur fruit, le figuier et la vigne donnent leur richesse. » (Joël 2, 22).
- De ce diptyque figuier-vigne, le figuier est parfois, peu souvent, regardé pour lui-même. C’est en raison du caractère original et capricieux de sa fructification. Le figuier produit généralement ses figues au printemps et à la fin de l’été, la première récolte est souvent mauvaise (Osée 9, 10) et les premières figues vertes avortent souvent, le bourgeonnement commence dès le début de la saison froide et les premiers rameaux et les premières feuilles apparaissent au début du printemps (Matthieu 24, 32). Le figuier peut produire des fruits excellents et délicieux, il peut en produire d’exécrables. En Jérémie 24, le prophète compare, dans une parabole, un panier de bonnes figues, qui représente le reste d’Israël exilé en Babylonie appelé à revenir « de tout cœur » et les mauvaises figues aux habitants du Royaume de Juda restés au pays avec Sédécias, qui sont « des pourris », promis à la disparition. Nul doute que les Juifs de Galilée, qui sont des immigrants d’assez fraîche date de Babylonie apprécient la parabole.
- Ainsi le figuier représente non pas la Torah, mais Israël et son roi à venir, le fils de David, est le bon fruit dont on scrute l’apparition.
- Il est à noter que les évangiles sont nettement plus prolixes en paraboles sur le figuier: parabole en acte du figuier desséché (Mt 21, 19-21 ; Mc 11, 13-21), parabole du figuier au printemps (Mt 24, 32 ; Mc 13, 28 ; lc 21, 29-31), parabole du figuier stérile (Lc 13, 6-9). Cette apparition, postérieure dans la chronologie à l’épisode de la rencontre avec Nathanaël traduit une appropriation par Jésus de cette thématique propre du figuier. Peut-être y trouve-t-elle son origine. Il est à noter que, dans tous les cas, le figuier représente bien Israël dont les fruits se font attendre, qui ne produit pas de figue hors de saison à proximité du Temple, et dont on devine qu’il annonce par son bourgeonnement les temps nouveaux du Royaume de Dieu. On reste dans la même veine.
L’arbre de Jessé
- Une des raisons de cette « séparation du figuier et de la vigne » et du développement indépendant du thème du figuier tient au fait qu’il s’agit d’un arbre fruitier, l’arbre qui figure donc, plus que tout autre, l’espérance d’un Israël fécond en fruits, l’arbre dont le bourgeonnement annonce le salut. Impossible de ne pas faire le lien avec ce passage d’Isaïe qui a tant inspiré l’iconographie médiévale :
« Un rejeton sortira de la souche de Jessé [père de David], un surgeon poussera de ses racines. Sur lui reposera l’Esprit de YHWH, esprit de sagesse et d’intelligence, esprit de conseil et de force, esprit de connaissance et de crainte de YHWH : son inspiration est dans la crainte de YHWH, il jugera mais non sur l’apparence. Il se prononcera, mais non sur le ouï-dire. Il jugera les faibles avec justice, il rendra une sentence équitable pour les humbles du pays, il frappera le pays de la férule de sa bouche, et du souffle de ses lèvres il fera mourir le méchant… » Suivent alors les signes d’une paix universelle. « Ce jour-là la racine de Jessé, qui se dresse comme un signal pour tous les peuples, sera recherchée par les nations, et sa demeure sera glorieuse… Il dressera un signal pour les nations et rassemblera les bannis d’Israël. Il regroupera les dispersés de Juda des quatre coins de la terre. » (Isaïe 11, 1-12).
« Je t’ai vu sous le figuier » signifierait donc : « j’ai vu que tu scrutais avec la plus vive attention les signes de la venue du Roi d’Israël, fils de David, lumière des nations et salut d’Israël et que tu menais secrètement l’enquête pour le découvrir. » Sans doute avec d’autres initiés de l’entourage de Jean-Baptiste, mais encore une fois, c’est une supputation qui n’est pas sans vraisemblance, nullement une certitude.
Le dévoilement de ce dessein secret provoque la confession de Nathanaël : « tu as tout compris sans qu’on te le dise. Je te reconnais : le fils de Dieu, qui doit gouverner Israël comme Dieu lui-même, le Roi d’Israël, c’est toi ! »
- Fin de l’enquête ? Pas tout à fait. Il faut revenir au début de l’épisode. Il est vraisemblable que la recherche active de la présence du Roi d’Israël dans son peuple est passée par une investigation de Nathanaël, et Matthieu et Luc donnent un aperçu de l’enquête à laquelle les milieux messianistes s’attachaient : la recherche de Nathanaël devait être généalogique. « De Nazareth, que peut-il y avoir de bon ? » Il faut relire ce début à la lumière de la révélation centrale du figuier, car Nathanaël parle en fait de l’arbre de Jessé.
- « que peut-il y avoir de bon (agathon, encore) ? » : c’est à entendre au sens le plus concret, gustatif, comme en Pr 27,18 : quel fruit bon à manger peut sortir d’un plant comme Nazareth ? Ce n’est pas dans le plan de Dieu de faire sortir le Messie de Nazareth. Ce ne peut pas être la bonne figue. L’adjectif agathos en grec est d’acception plus restreinte que « bon » en français, et d’ailleurs pas moins fréquent dans les Ecritures que notre adjectif "bon". Si Nathanaël voulait dire que rien de digne, ou rien de convenable, ou rien de bien ne peut sortir de Nazareth, il aurait employé des adjectifs autres : axios, ikanos, kalos… Est agathos ce qui plait.
- « de Nazareth » : il y a là un jeu de mot dont la littérature rabbinique est familière. L’étymologie de Nazareth est, on le sait, sujette à interprétations diverses. Le toponyme dérive-t-il de natsar,( נָצַר) l’observateur? Signifie-t-il un poste de garde ou l’observant de la Torah ? dérive-t-il de netser, (נֵצֶר) qui signifie le « rejeton », le mot même d’Isaïe11, 1 ? , Etienne Nodet dans son article sur la Galilée au temps de Jésus émet l’hypothèse d’une double étymologie du lieu : l’une antérieure à l’installation de Joseph, une autre, importée par Joseph, comme descendant de David. En tout cas, les évangélistes ont clairement privilégié cette étymologie empruntée à Isaïe : « il sera appelé Nazaréen », en Matthieu 2, 23, est une citation assez libre d’Isaïe. Nathanaël dit donc : « de ce rejeton-là de l’arbre d’Israël, quel bon fruit peut venir ? Ce n’est pas la souche de Jessé. » Mais sans avoir eu besoin d’une réfutation de cette interprétation, Nathanaël a été saisi par le Bon Pasteur qui a saisi sa brebis avant que sa brebis le connaisse.
Conclusion
« Va, mon peuple, entre dans tes chambres et ferme les deux vantaux de tes portes sur toi ! Cache-toi un petit moment jusqu’à ce que les calamités soient passées. » (Isaïe 26, 20). Nathanaël a caché au fond de lui-même son espérance du salut d’Israël. Que Jésus l’ait rejoint dans son attente la plus profonde suffit à l’en convaincre : seul le Messie peut combler son espérance personnelle, politiquement compromettante et indicible tant elle l’habite. Philippe a confessé que Jésus était le Messie annoncé dans l’Ecriture. Nathanaël confesse qu’il est son Messie, son espérance de fils d’Israël, celui que lui, du plus profond de son être, attendait. Il lui est revenu d’expérimenter cette parole du Christ : « Quand tu pries, entre dans ta chambre, ferme ta porte et prie ton Père qui est là dans le secret ; et ton Père, Lui qui voit dans le secret, te le rendra. » (Mt 6,6)
Après le figuier, la vigne : suit l’épisode des noces de Cana, où Nathanaël voit plus grand que la percée de son secret, puisqu’il voit la gloire du Fils de l’Homme se manifester par un signe discret pour le commun des convives mais éclatant pour ses disciples. Le Roi d’Israël a dévoilé sa gloire et le Père a rendu à Nathanaël le salaire de sa secrète piété.
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